Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Les lettres précédentes résumaient les défis essentiels auxquels la directive européenne sur la maîtrise de l'énergie dans le bâtiment se trouve confrontée. Nous allons essayer, en segmentant les problèmes, d'y voir un peu plus clair. En commençant par les énergies dites renouvelables, largement présentes aussi bien dans la directive européenne que dans la loi française sur l'énergie.
Quels sont, finalement, les objectifs en matière d'énergies renouvelables ?
Difficile de vous répondre sans préciser d'abord de ce dont il s'agit.
Qu'entendez-vous par là ?
Qu'en France le terme "énergie renouvelable" est ambigu, et peut souffrir des définitions variables. C'est ainsi que, pour mettre un peu d'ordre, je distingue les énergies "légalement renouvelables" et les énergies "fiscalement renouvelables". Ce ne sont pas les mêmes, sans compter les définitions "personnelles" de certains, qui ne coïncident pas forcément avec les définitions légales ou fiscales.
Qu'entendez-vous par "énergies légalement renouvelables" ?
Celles qui sont définies par la loi d'orientation énergétique, qui indique (je cite, Article 29) : "Les sources d'énergies renouvelables sont les énergies éoliennes, solaires, géothermiques, houlomotrices, marémotrices et hydrauliques, ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz". Cette définition est très importante, mais aussi très limitative.
Qu'entendez-vous alors par "énergies fiscalement renouvelables" ?
Celles qui, par exemple, sont définies par l'arrêté du 16 Septembre 2005 gérant l'exonération de taxe foncière dans le cadre du développement de la qualité environnementale. Ce texte d'application fiscale est ainsi rédigé : "… les énergies renouvelables prises en compte sont : l'énergie solaire, la biomasse, la géothermie, l'énergie éolienne, l'énergie issue des systèmes thermodynamiques (pour nous les pompes à chaleur) ou de production combinée de chaleur et d'énergie, l'énergie issue des réseaux de distribution de chaleur …". Avouez que cette définition est beaucoup plus large que la précédente, et qu'elle peut entraîner de sérieuses confusions. D'autant qu'au sein même de certains termes on peut inclure beaucoup de techniques dont le caractère "renouvelable" est plus qu'incertain.
Qu'entendez-vous par là ?
Je vais prendre trois exemples. Le premier correspond à une demande qui m'a été faite récemment. Il s'agit d'une installation de production combinée locale de chaleur et d'électricité qui, au regard des définitions fiscales, bénéficie d'avantages sérieux. La simple analyse du projet révèle que le système installé produira nettement plus de CO2 que la production correspondante d'électricité par EDF. Je puis, en outre, vous citer deux autres exemples, l'un sur les pompes à chaleur, l'autre sur le bois.
Pouvez-vous nous détailler ces exemples ?
Sans problème, mais - auparavant - je voudrais mettre les choses au point, tant il est facile pour certains de taxer ces lettres de rétrogrades vis à vis des techniques "durables". Il s'agit des pompes à chaleur. Si vous le voulez bien nous en reparlerons lors d'une prochaine lettre, car le sujet est vaste. Que faut-il penser de cette technique (ou plutôt de cette famille de techniques), c'est ce que nous aurons l'occasion de voir. Le deuxième exemple que j'ai cité tient à la définition de la biomasse : faut-il y inclure le bois - ce qui pourtant semble aller de soi pour beaucoup.
En clair cela veut-il dire que vous ne placez pas le bois dans les énergies renouvelables ?
La réponse est beaucoup plus subtile que votre question ne semble l'impliquer. Reprenons la définition "légale" de la biomasse (loi sur l'énergie) : "La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers". En clair cela veut dire : le bois ou les déchets organiques, tous placés sur le même et unique plan : celui d'être biodégradable (?). Laissons de côté les déchets, et voyons le bois, considéré comme un combustible à privilégier. Il est bien évident que cette ressource ne peut être correctement classée comme renouvelable que s'il existe un planning adéquat des plantations, sinon la déforestation deviendra la règle. Or c'est un principe complètement oublié par les définitions.
Pensez-vous, finalement, qu'on puisse espérer beaucoup des énergies renouvelables ?
Le sujet est trop complexe pour qu'il soit possible de répondre en quelques
lignes. Nous y reviendrons plus longuement par la suite. Car il nous faut, auparavant,
terminer notre examen des possibilités d'application de la loi française
sur l'énergie dans le cadre de la directive européenne.
Dans la prochaine lettre, je parlerai des perspectives françaises des énergies renouvelables.
Roger CADIERGUES