Par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS-ICG – Directeur général d’Xpair
La réglementation environnementale RE 2020 était inscrite dans le marbre de la Loi Elan. Elle sortira donc cette année en 2020 pour une mise en application en janvier 2021.
C'est un vrai changement de paradigme pour les professionnels du bâtiment, car pour la première fois, la dimension carbone vient compléter la performance énergétique requise pour tous les bâtiments neufs. Ceux-ci devront respecter désormais deux seuils, l’un en énergie (renforcé par rapport à la RT 2012), et le second en poids carbone (nouveauté).
À la veille de la prochaine journée de l'Efficacité Energétique et Environnementale du bâtiment, EnerJ-meeting, le 6 février prochain à Paris, la rédaction d’XPair livre à ses lecteurs et en avant-première, les résultats d'une enquête exclusive menée auprès de plus de 500 prescripteurs du bâtiment. Sont-ils prêts ? Quelles sont leurs craintes ? Quels sont les points importants attendus ? etc., …
Les professionnels sont plutôt favorables à une réglementation environnementale forte
L’enquête s'adresse principalement à des maîtres d'ouvrage et maître d'œuvre c'est à dire prescripteurs et concepteurs : cette catégorie est très favorable, à 80%, pour une réglementation environnementale RE 2020 forte. Bien entendu, des craintes demeurent, et c'est le surcoût de la construction qui est mis en avant en premier lieu.
Volonté et craintes - sondage RE 2020
Pour la prochaine RE 2020, quelles sont les nouvelles incidences (vs RT2012) qui devraient être intégrées ?
Au-delà d'une prise en compte de tous les usages énergétiques (c'est à dire au-delà des 5 usages réglementaires RT 2012), c’est le confort d'été qui est l'incidence majoritaire à 35%, que devrait prendre la prochaine RE 2020. Les concepteurs sont conscients que les calculs réglementaires basés sur un seul confort lié aux températures extérieures hivernales, n'est plus valable aujourd'hui. En cause, le changement climatique, les évolutions des températures d’été, les répétitions de canicules qui justifient des garde-fous pour un confort d’été de nos prochaines constructions neuves.
Dans le même contexte, ce n'est plus un confort uniquement assuré par la performance de l'enveloppe et des équipements techniques de chauffage voire de rafraîchissement, mais un confort global qui est à prendre en compte : le bien-être et en premier lieu la santé des occupants. C’est pourquoi le facteur de la qualité d’air intérieure vient bien naturellement en 3ème position à hauteur de 23% tout de même, soit quasiment 1 sur 5.
La dimension carbone, bien entendu liée à l'aspect énergétique, montre qu'une Réglementation Environnementale doit s'orienter tôt ou tard avec un lien avec le transport/la mobilité (8%) et une échelle élargie au niveau de l'îlot et du quartier (5%).
RE 2020, que faudra-t-il intégrer ?
Rénovation du bâtiment, énergétique ou plus ?
Le sondage montre que la réglementation dans l'existant doit aller vers plus d'efficacité énergétique (52% des réponses), car c'est bien évidemment la 1ère composante technique la mieux maîtrisée pour le moment par les professionnels.
L'empreinte carbone, sans doute entraînée par la réflexion et la réglementation RE2020 dans le neuf, est une évolution logique que devra intégrer tôt ou tard la réglementation dans l'existant. C'est ce que pensent 24% du panel professionnel qui, nous le rappelons, est essentiellement composé de concepteurs. Par exemple en rénovation, le maintien de l'énergie grise, par exemple de la structure, évitant ainsi une démolition et un poids carbone supplémentaire est bien dans la conscience des concepteurs, de même que le recyclage des déchets.
En 3ème position, à hauteur de 10%, c'est d’une manière redondante que revient le facteur de la qualité de l'air intérieur qui va devoir être un élément réglementaire pour les bâtiments existants.
Mettons l’accent sur un maximum d’efficacité énergétique en rénovation
Si l’on se projette dans 10 ans, en 2030, un changement de réglementation devrait de nouveau avoir lieu. Les concepteurs nous indiquent les tendances qui devraient être prises en compte tant pour le neuf que pour la rénovation. C'est principalement l'économie circulaire (33%) et l'impact carbone du transport (24%) qui sont inéluctables pour une prochaine réglementation.
En 2030 pour une prochaine réglementation, intégrons économie circulaire et impact transport
Baisse des coûts : quelle technique pourrait entraîner la baisse des coûts de construction ou de rénovation ?
La hausse des coûts apparaît être la première crainte des concepteurs professionnels eu égard à tous ces objectifs de performances énergie et carbone. Les idées pour y remédier se présentent en majorité pour déjà employer un nouveau mode de travail collaboratif autour de la maquette numérique, pour 43 plus 10, soit 53% des professionnels.
Ensuite, ce sont les techniques industrielles de de préfabrication ou hors site, intégrant sans doute le numérique et l'impression 3D, voire l’IA, qui se présentent comme des solutions à hauteur de 32 plus 3, soit 35% pour faire baisser les coûts de construction et de rénovation.
Pour baisser les coûts de la construction
Conclusion : de cette enquête il ressort que …
Une Réglementation Environnementale 2020 élargie à la composante carbone est majoritairement bien acceptée par la prescription qui est favorable à un élargissement du confort d’été notamment et des usages allant jusqu’au transport.
Quelques craintes subsistent. La prescription intègre un horizon 2030 avec des tendances déjà communément identifiées pour le neuf comme pour la rénovation (économie circulaire, échelle du quartier).
Par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS-ICG – Directeur général d’Xpair
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« (…) les professionnels du bâtiment (…) vont devoir respecter (…) un seuil minimum en poids carbone. »
Ne devrions-nous pas plutôt lire un seuil maximum en poids carbone ? Ou bien alors je m'inquiète… ou plutôt pas pour les professionnels du bâtiment qui ne veulent pas faire d'effort pour la réduction des émissions de carbone des bâtiments.