Les vannes de régulation ne sont pas des accessoires !

Par René CYSSAU, Consultant équipement du bâtiment, ex-ingénieur en chef du COSTIC

Les vannes de régulation pourraient-elles n’être que des accessoires des régulateurs ? Dans les catalogues des fournisseurs des systèmes de régulation et de GTB, les vannes se trouvent parfois reléguées au rang des accessoires, comme les capteurs de mesure. Pourtant les actionneurs sont les composants qui conditionnent les qualités des régulations, ces qualités sont de première importance pour piloter efficacement les systèmes énergétiques.

Valve magnétique Siemens

Quel est le rôle des vannes de régulation dans l’efficacité énergétique ?

En premier lieu, constatons que la qualité d’une chaine d’action ne dépasse pas celle de son composant le moins performant.

Le moins performant est celui qui met en jeu des organes mécaniques. Les vannes sont les seuls éléments mécaniques des chaînes de régulation, incontournables.

Les qualités des traitements numériques et des communications permettent de toucher à la perfection eu égard aux résultats attendus. Les qualités des capteurs ont progressé avec les technologies d’intégration et de micro-électronique. Mais une mécanique ne peut pas être exempte de frottements, d’usures, d’inerties.

De plus, des fuites à la fermeture sont à craindre. Un débit de fuite, même très faible, provoque une « fuite » de puissance thermique qui peut être conséquente, pendant toute la durée de la fermeture. C’est une cause de gaspillage d’énergie qui peut être importante.

Les constructeurs doivent maîtriser plusieurs technologies qui font les qualités des vannes, la précision de la mécanique en est un élément primordial.

corps de vannes de régulation

Figure 1 - Des corps de vannes de régulation, des mécaniques de précision

Ainsi, pour réguler efficacement l’énergie, les attentions doivent maintenant se porter sur les vannes de régulation.

Pour agir sur les transferts d’énergie par l’eau, il faut moduler la surface d’une restriction au passage de l’eau. Il n’existe pas d’autre solution pour régler progressivement l’énergie thermique. L’énergie mécanique pour faire circuler l’eau dans les distributions se perd donc principalement dans les vannes.

Pour la progressivité du réglage on sait que les vannes doivent présenter une perte de charge élevée à l’ouverture (environ 50% de la charge du circuit réglé). Ce rapport est établi pour l’ouverture totale, aux valeurs nominales.

Mais au cours du fonctionnement, durant une grande partie de la saison de chauffage ou de refroidissement, la fraction de l’énergie mécanique perdue dans la vanne va jusqu’à frôler les 100%. Les vannes de régulation font donc chuter la quasi-totalité de l’énergie mécanique (la charge) dépensée pour faire circuler l’eau qui distribue l’énergie thermique. C’est pourtant une condition nécessaire pour moduler la puissance thermique.

Avec la qualité de régulation, l’énergie électrique pour la circulation de l’eau est une raison supplémentaire pour porter attention aux choix des circuits hydrauliques et des vannes pour réguler l’énergie thermique.

La solution de prédilection consiste maintenant à choisir des circuits équipés de vannes à deux voies qui modulent le débit des circulateurs dont la pression différentielle est régulée : constante ou proportionnelle au débit.
L’efficacité de la régulation et la maîtrise de la consommation des auxiliaires y gagnent.

Des vannes progressives sont placées dans toutes les parties des installations de génie climatique : figure 2. Elles permettent de piloter les circuits des générateurs, de régler les températures d’eau en tête des réseaux et les puissances émises par les terminaux.

De plus, les distributions sont utilement équipées de vanne de sectionnement motorisées, étanches à la fermeture, pour segmenter les distributions des zones ou des sous-zones. Elles permettent d’adapter de façon dynamique les fournitures d’énergie aux besoins des zones.

vannes de régulation ou de sectionnement

Figure 2 - Des vannes de régulation ou de sectionnement sont placées dans chacune des parties des installations
de génie climatique, elles servent à réguler l’énergie et/ou à segmenter les réseaux pour une division dynamique
de la distribution selon les besoins des zones ou des sous-zones
.

Quelles sont les bonnes recommandations pour les performances de la régulation ?

Les recommandations se justifient en considérant les principes qui sont mis en jeu entre le signal de réglage issu du régulateur et la puissance émise (ou les écarts de températures au secondaire, proportionnels à la puissance). Ces principes sont résumés figure 3.

comportement d’une régulation

Figure 3 - Du réglage de la vanne à la puissance qui en résulte, le comportement
d’une régulation dépend de plusieurs phénomènes, en chaine

Le bon fonctionnement d’une régulation en boucle pour réguler une température dépend donc des choix à ces trois niveaux :

  • La courbe caractéristique de la vanne : égal pourcentage (figure 5),
  • L’ « autorité » de la vanne, c'est-à-dire sa perte de charge relative à la perte de charge de tout le circuit parcouru par le débit variable. Elle doit être suffisante (supérieure à 0,33). La progressivité du réglage du débit en dépend. La perte de charge relative de la vanne à l’ouverture est caractérisée par son Kvs : débit en m3/h pour une différence de pression de 1 bar appliquée à la vanne.
  • L’« efficacité » de l’échangeur, c'est-à-dire la chute de température (ou l’élévation en refroidissement) au secondaire relative à l’écart à l’entrée (écart de température entre l’entrée du primaire et celle du secondaire). Pour être réglable, l’échangeur doit présenter une efficacité suffisante, supérieure à 0,2 elle est couramment égale à environ 0,3 pour un échangeur bien dimensionné. La progressivité du réglage de la puissance en dépend.
    Des descriptions plus détaillées de ces phénomènes et des recommandations qui en découlent se trouvent dans la publication de la revue CFP « Les vannes de régulation aux faibles charges » (voir SOURCES et LIENS ci-après).

La « chaine ouverte » de la figure 3 est « bouclée » par le régulateur qui mesure une température et actionne la vanne selon son « algorithme » : P, PI, PID ou plus complexe. Ces paramètres peuvent être adaptés automatiquement, mais il reste que les qualités de régulation de la boucle dépendent en premier lieu du comportement de la vanne et de son autorité. Un régulateur ne peut pas compenser les défauts d’une vanne.
C’est pourtant le régulateur qui est le plus souvent considéré comme l’élément dont dépend la qualité de la régulation en boucle.

En résumé, pour que les vannes participent à l’efficacité énergétique des systèmes techniques du bâtiment, le concepteur doit suivre des indications :

  • Mener ces calculs simples.
  • Efficacité des échangeurs par la connaissance des températures nominales aux raccordements de l’échangeur.
  • Autorité des vannes par la connaissance de la répartition des pertes de charge dans le réseau.
  • Choisir les vannes selon leurs spécifications les plus importantes : courbe caractéristique (courbe du Kv à égal pourcentage), perte de charge à l’ouverture (Kvs).

Le Kv de fuite (Kv0) et le Kv minimum de réglage (Kvr) sont aussi des paramètres à considérer.

Se pourrait-il qu’une vanne de régulation ne soit pas étanche ?

Quel que soit l’usage d’une vanne, son étanchéité est une qualité recherchée, mais elle n’est pas assurée systématiquement pour tous les modèles, elle dépend de leur construction. Les vannes à secteur, par exemple, ne présentent pas toutes une étanchéité totale. Le fournisseur indique pour cela un Kv de fuite : Kv0 ou sa valeur relative Kv0/Kvs.

Les vannes de régulation qui mettent en jeu un joint d’étanchéité plastique sont normalement étanches à la livraison. Il reste que des particules sont véhiculées par l’eau, elles viendront endommager le joint lorsque la vanne se ferme.

Il faut donc prendre des précautions, placer un filtre en amont, surveiller périodiquement l’étanchéité des vannes fermées.

vanne à soupape équipée d’un joint d’étanchéité

Figure 4 - Une vanne à soupape équipée d’un joint d’étanchéité - (document Danfoss)

Une vanne de régulation peut-elle agir efficacement sur toute sa course ?

Les qualités des régulations en boucle : stabilité et précision se trouvent aisément dans les plages de fonctionnement proches de l’ouverture maximale.
Par contre, les risques d’instabilité et d’imprécision se situent auprès de la fermeture. La cause en est la grande sensibilité du réglage du débit (autorité) et de la puissance (efficacité) dans cette plage.

La courbe caractéristique est obtenue par un usinage précis de l’obturateur (figure 1) mais pour les positions très proches de la fermeture, lorsque la vanne commence à s’ouvrir, les dimensions du passage de l’eau sont extrêmement faibles.
La courbe caractéristique « égal pourcentage » n’est pas assurée dans une plage réduite près de la fermeture.

Le seuil au-dessous duquel la caractéristique de Kv n’est pas maîtrisable est désigné par le débit minimum de réglage Kvr (figure 5). Il est parfois donné par sa valeur relative Kvr/Kvs ou encore l’inverse de ce rapport Kvs/Kvr, ou « plage de réglage ».
Cet effet de saut de débit relatif au débit maximum est d’autant plus important que les dimensions du corps de la vanne(DN) sont réduites.

Kv minimum de réglage

Figure 5 - Une caractéristique « égal pourcentage » présente une concavité qui compense le comportement non–linéaire des échangeurs. Aux positions très proches de la fermeture, la caractéristique présente un Kv minimum de réglage (Kvr) et un éventuel débit de fuite (Kv0)

Les effets d’un éventuel débit de fuite et d’un saut de débit Kvr sont fortement augmentés par les phénomènes de l’autorité de la vanne sur le circuit et de l’efficacité de l’échangeur.
Ces effets amplificateurs sont illustrés par ces quelques valeurs.
Elles sont données pour un débit de fuite Kv0 ou pour un Kvr égal à 1% du Kvs.

Avec une efficacité satisfaisante de 0,3 et une autorité satisfaisante de 0,5
la « fuite » de la puissance thermique est de 4,7%.

Avec une efficacité satisfaisante de 0,3 et une autorité trop faible de 0,2,
la « fuite » de la puissance thermique est de 7,5%.

Avec une efficacité trop faible de 0,1 et une autorité satisfaisante de 0,5
la « fuite » de la puissance thermique est de 17%.

Avec une efficacité trop faible de 0,1 et une autorité trop faible de 0,2
la « fuite » de la puissance thermique est de 22%.


Ces valeurs de puissance sont relatives à la puissance maximale, vanne ouverte. La publication dans la revue CFP citée plus haut donne plus de détails sur ces effets.

Quelles sont les principales caractéristiques à considérer ?

Il faut considérer les différents usages des vannes de régulation pour situer l’importance des paramètres.

Les vannes motorisées se placent sur les réseaux :

  • Soit pour isoler des circuits de générateurs ou pour segmenter des distributions pour le chauffage ou le refroidissement afin d’adapter les fournitures d’énergie au plus près des besoins des zones ou des sous-zones (figure 2). Pour cela, ni la courbe caractéristique, ni la perte de charge de la vanne ne sont critiques, ces vannes doivent seulement être étanches.
  • Soit pour régler progressivement un débit dont dépend une puissance thermique, donc une température, comme indiqué précédemment. Il s’agit alors de choisir une vanne « égal pourcentage » avec une valeur de Kvs qui assure son autorité. Il faut aussi considérer son débit de fuite Kv0 et son Kvr ou sa plage de réglage.

Ainsi, pour réguler les différents systèmes de génie climatique, les principales qualités attendues des vannes ne sont pas toutes les mêmes.
Différents modèles sont proposés par des fabricants pour être adaptés à différentes applications de régulation, parmi les plus courantes :

  • Température d’eau en tête des distributions de chauffage ou de refroidissement,
  • Température d’air en aval des batteries eau-air de chauffage ou de refroidissement,
  • Température d’eau chaude sanitaire produite par échangeur,
  • Fourniture d’énergie par échangeur sur les réseaux de chauffage ou de refroidissement,
  • Températures ambiantes procurées par les terminaux : radiateurs, ventilo-convecteurs et autres unités terminales de climatisation,

Les vannes font l’objet de plusieurs normes NF EN ou ISO pour définir leurs caractéristiques et les essais. Mais aucune ne traite spécialement des caractéristiques adaptées aux applications de l’énergie dans les bâtiments et au génie climatique.
Les vannes de régulation sont pourtant construites pour ces applications, leurs rôles dans la performance énergétique des bâtiments sont de première importance.
Elles devraient faire l’objet de plus grandes attentions que les régulateurs ou autres automatismes auxquels elles sont associées.

Par René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC, ex rédacteur en chef de la revue PROMOCLIM,
René CYSSAU est l'auteur de plusieurs ouvrages techniques

SOURCES ET LIENS

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Commentaires

  • Yann
    0
    04/03/2016

    Eh oui, le retour au fondement peux-être est aussi passionnant que douloureux.

    Les nouvelles règlementations thermiques et nos obligations à diminuer nos consommations d'énergies primaires passent aussi par le choix de la vanne de régulation. Ne soyons plus aveugle ou sourd : combien de vannes de régulations sont calculées en fonction de leurs caractéristiques de travail ? Combien de vannes posées sont dans le même diamètre que la canalisation où elles sont raccordées ? Combien de moteur de vannes passent leur temps à ouvrir d'un pas puis fermer d'un autre parce que la température de départ est soit trop basse soit trop haute ?

    Promis, la prochaine fois que vous verrez une installation équipée d'une vanne de régulation( de débit ou de température) prenez le temps de la regarder, de l'écouter, pensiez-vous que depuis le temps qu'elle est là, elle avait autant d'importance sur la consommation d'énergie...


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