Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
15 Juin 2009
Il semble qu'un destin infernal s'attache aux applications solaires : périodiquement nous sommes passés, et nous risquons encore de passer de l'enthousiasme aux mécomptes et aux abandons. Est-ce inexorable ?
Est-ce vraiment un risque du secteur ?
Je crains que oui, car les décisionnaires publics, plus ou moins ignorants du passé, croyant naïvement qu'il s'agisse d'une technique toute nouvelle recommencent régulièrement les mêmes erreurs. Pour y voir plus clair revenons au passé, joyeusement oublié alors qu'il a pleinement démontré les difficultés de la technique en cause.
N'exagérez-vous pas ?
Plus les tentatives sont anciennes plus il est habituel de prendre nos anciens pour des incapables, sinon des imbéciles. C'est un a priori dont on devrait se méfier. Il est à peu près impossible de revenir avec certitude aux origines, mais nous avons trace de tentatives significatives (Archimède) datant de 250 avant Jésus-Christ, suivies finalement d'échecs. Et il y en eut bien d'autres depuis, ne serait-ce que le moteur solaire présenté par Salomon de Caux en 1615. Et surtout, plus près de nous par Auguste Mouchot qui s'est - par exemple - illustré, vers 1875, par la mise en place d'un moteur solaire à Tours. La technique ne fut pas retenue par la suite à cause de son coût. Ces mécomptes n'empêchèrent pas, ultérieurement, bien d'autres essais qui furent sans suite. Par exemple les tentatives diverses d'Odeillo après la dernière guerre. En particulier la tentative de maison solaire mise au point par Felix Trombe, mais qui ne fut finalement réalisée qu'une seule fois.
Pourquoi le mur solaire de Felix Trombe (le Trombe's Wall pour les Américains) fut-il un échec ?
Pour des raisons de coût et de performances. Soyons clair : je me flatte d'avoir été l'ami de Felix Trombe, qui utilisa d'ailleurs nos résultats solaires de 1948, et je me rappelle toujours l'admiration sans borne des spécialistes américains venus en France pour un congrès sur le solaire passif, spécialistes pour lesquels Felix était un peu le génie, sinon le messie. En fait, bien avant cela le solaire existait, même à vitesse réduite : on fabriquait au Maroc, des capteurs solaires à eau chaude dans les années 1930, pour le Maroc, la France et l'Espagne. A la suite de la crise de l'énergie des années 1970 nous avons essayé, par une station d'essai ouverte gratuitement aux constructeurs de capteurs, et par des journées détaillées d'information, de soutenir le développement de l'eau chaude solaire et du chauffage solaire (par panneaux de sol). Au bout de quelques années le résultat s'est révélé très décevant, un peu comme le moteur d'Auguste Mouchot, un siècle auparavant. En fait la situation est claire : il est très difficile de justifier économiquement le recours au solaire, sauf peut -être comme appoint aux services d'eau chaude.
Le cas du photovoltaïque n'est-il pas un peu différent ?
J'aimerais bien vous dire oui - étant donné le temps que j'y ai consacré - mais ma réponse est non. Je sais bien qu'il existe des prévisions euphoriques sur les prix, mais depuis trente ans je n'ai jamais rien vu venir. La principale prévision de ce type, d'origine allemande, m'a rappelé les statistiques (du même pays d'origine) que j'avais dû violemment critiquer dans une réunion publique : elle faisait état de cas de légionelloses en nombre astronomique, ce que nos données françaises contredisaient complètement. Et ce que le futur a d'ailleurs bien démontré comme très inexact. De nombreuses tentatives ont porté, depuis quarante ans, sur l'amélioration du rendement des cellules photovoltaïques, mais toujours à des coûts suffisamment élevés pour qu'il soit plus simple d'augmenter la surface que de vouloir améliorer le rendement avec ces nouvelles techniques. Sur le photovoltaïque d'ailleurs, récemment, l'un des responsables britanniques, l'architecte Craig White, disait crûment : " Je pense totalement que le photovoltaïque n'est pas un bon point de départ pour une stratégie du renouvelable : c'est le plus coûteux et le moins performant. Nous ne devons pas pénaliser la biomasse sous le prétexte de favoriser le photovoltaïque ".
Voulez-vous dire que le photovoltaïque n'a aucun intérêt ?
Absolument pas, je veux simplement dire qu'il doit être réservé à des particuliers, schématiquement dans les cas où le tirage de lignes électriques est impossible ou d'un coût excessif.
Roger CADIERGUES