Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Je voudrais maintenant élargir notre examen des démarches françaises, et surtout européennes, démarches qui me paraissant de plus en plus "dangereuses".
Qu'entendez-vous par-là ?
Le fait que la RT 2000, aussi bien que les directives européennes sur les économies d'énergie dans le bâtiment, aillent tout droit à l'échec pratique par manque d'analyse sérieuse des conditions dans lesquelles nous opérons. En fait, l'ensemble des pays, l'Europe en tête, se heurte à un défi qui n'a jamais existé dans le passé : la lutte contre l'accélération de l'effet de serre. Trois gros consommateurs d'énergie sont concernés : les véhicules, les industries et le bâtiment. Laissant de côté les véhicules, je voudrais me concentrer sur les deux derniers secteurs : l'industrie et le bâtiment. Deux catégories d'actions y sont prévues, qui sont totalement différentes. Celles concernant l'industrie me paraissent essentielles, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Au moins par leurs principes, beaucoup plus près des réalités que les actions prévues pour le bâtiment. De nombreuses industries sont concernées, mais les installations de combustion étant incluses, nous pourrions être plus ou moins directement touchés un jour ou l'autre. De toutes façons c'est un exemple à examiner, le bâtiment figurant parmi les principaux émetteurs actuels de CO2, puisque nous frôlons les 40 à 45 % au niveau européen.
De quoi s'agit-il ?
Il me semble qu'on oublie trop souvent, en France, ces derniers temps, une décision importante : celle qui a conduit à la mise au point du "permis" négociable d'émission de CO2. C'est une idée qui paraît, à beaucoup, comme lointaine, sinon insolite ou même incongrue. Or les Communautés Européennes sont en train de mettre immédiatement ce système en place. Sous le sigle "PNA" (Plan National d'Allocation), ou sous le sigle "NAP" (en anglais : National Allocation Plan). Tous les pays européens doivent déposer leur projet avant la fin mars de cette année, le système devant "tourner" à partir du début 2005. La première phase du plan devrait se dérouler de 2005 à 2007, la seconde phase de 2008 à 2012, avec des objectifs bien précis. Pour l'essentiel une réduction de 20 % du dégagement de CO2 d'ici 2012.
N'est-ce pas une démarche trop rapide ?
Bien entendu, on me dit que les délais prévus sont trop courts. Or la Grande-Bretagne vient de démontrer le contraire, puisque son système vient d'être mis officiellement en place. Normalement, à partir du 1er Janvier 2005, les gestionnaires des installations concernées devront acquérir un permis d'émission. Et, dès le 30 Avril 2006, chacun devra déclarer son émission. Sauf recul stupide il s'agira d'émission réelle, contrôlée de façon indépendante, une procédure à mettre en place durant la première phase, chaque émetteur pouvant négocier avec d'autres pour globaliser les exigences sur l'ensemble des parcs concernés. Les opérateurs faisant mieux que prévu pourront "vendre" leurs "déficits de CO2".
Cette procédure ne nous concerne pas ?
Vous avez, en principe, tout à fait raison. Mais quand on examine le probable échec en CO2 de toutes les mesures prévues jusqu'ici en bâtiment, il ne faut pas hésiter à s'interroger. En effet le système des permis permet d'exprimer des objectifs clairs. Les pénalités seront à la fois simples et fortes. Il est logique, dans ces conditions, de se demander si cette solution ne sera pas, finalement, sous une forme ou sous une autre, étendue à notre secteur. Elle permettrait de modifier complètement notre gestion énergétique, et de l'appuyer sur la réalité quotidienne, et non pas sur des calculs initiaux, voués plus ou moins à l'échec par suite des circonstances multiples de la vie réelle des installations. Peut-être cette procédure permettrait-elle d'améliorer la situation dans une très forte proportion, si - bien sûr - elle était correctement appliquée. Les expériences industrielles vont, dès maintenant, commencer. A mon sens, une affaire à suivre, alors que nous aurions plus ou moins tendance à nous en désintéresser.
Dans notre prochaine lettre, nous poursuivrons sur les risques de vivre avec de "fausses solutions".
Roger CADIERGUES