Par René CYSSAU, Consultant équipement du bâtiment, ex-ingénieur en chef du COSTIC
Un nouveau guide de référence
Un nouveau guide du programme Règles de l’Art Grenelle Environnement (RAGE) au sujet des systèmes de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) est maintenant en téléchargement libre sur le site de l’Agence Qualité Construction.
Sa vocation pédagogique en fait un document remarquable car il n’existe pas de document exhaustif qui présente aussi simplement les choses, dans un domaine où fourmillent des concepts issus des technologies de l’information.
Il présente clairement les fondamentaux en séparant :
- d’un côté les services de la gestion technique,
- de l’autre les systèmes de GTB, pour une aide nécessaire à cette gestion.
Il rassemble des indications pratiques, détaillées et justifiées pour les trois principaux intervenants d’une construction :
- Le maître d’ouvrage exprime ses besoins, clairement, sans préjuger des solutions techniques,
- Le concepteur préconise des solutions pragmatiques, adaptées aux usages concrets. Il peut cependant prendre en compte l’évolutivité des besoins et la perspective de solutions technologiques qui répondront à ces futurs besoins.
- Le réalisateur met en place les systèmes techniques en considérant, d’un côté les performances attendues, et de l’autre les contraintes de ceux qui assureront la gestion technique et auront à utiliser le système de GTB.
Il met en garde sur la période qui suit la réception. Les fonctionnalités pour la gestion technique doivent alors être mises en service pas à pas, avec pragmatisme, jusqu’au moment où elles répondent aux nécessités de l’exploitation courante. Pour cela, une période de post réception est une étape à prévoir formellement dans les étapes des marchés, condition nécessaire pour que le système de GTB puisse être réellement utilisé pour la performance énergétique. Cet objectif n’est pas atteint systématiquement par les systèmes actuellement en place.
Voici quelques leitmotivs relevés dans la centaine de pages de ce guide, comme des fils rouges.
La gestion technique et le système de GTB servent à l’efficacité énergétique, en priorité
Les systèmes de GTB ne portent pas que sur les équipements énergétiques. Le périmètre des autres services techniques traités par un ou plusieurs systèmes de GTB : sécurité effraction, protection incendie, autres usages de l’électricité, ascenseurs … dépendent des choix initiaux du maître d’ouvrage.
Il reste que les services énergétiques sont toujours au centre des services de gestion technique et des systèmes de Gestion Technique du Bâtiment, pour ces raisons :
- Parmi les services de la GTB, seuls ceux qui portent sur les équipements énergétiques permettent de maîtriser des dépenses en balance avec la satisfaction d’un besoin, le confort.
- La mesure des dépenses d’énergie est un indicateur objectif de la qualité d’une gestion technique, même si elle porte aussi sur des services non énergétiques.
Un cahier des charges fonctionnel est une nécessité
Pour l’efficacité de la gestion technique et la réussite d’un projet, l’expression des besoins concrets du maître d’ouvrage est fondamentale.
Dans un projet de construction, le cahier des charges fonctionnel sert de guide pour tous les professionnels qui conçoivent, réalisent, comme à ceux qui exploiteront.
C’est bien le maître d’ouvrage qui doit exprimer ses besoins. S’il appelle une compétence pour préparer ce document, le challenge de l’accompagnant est de ne pas avoir une approche par des solutions techniques, il ne doit pas confondre les besoins fondamentaux et les moyens.
Il serait incongru de concevoir un système d’aide à la Gestion Technique du Bâtiment sans connaitre le profil des compétences de celui qui la mènera. Cette évidence est pourtant souvent oubliée dans les premières étapes de la conception. Un cahier des charges fonctionnel doit prévoir quels seront les intervenants appelés pour mener la gestion technique, comme ceux de la maintenance.
Le résultat en termes d’efficacité énergétique vient des compétences des techniciens.
Les dispositifs de régulation et d’automatisation permettent de maîtriser des consommations par leur principale qualité : la vigilance. Encore faut-il qu’ils soient bien choisis, bien réglés et surveillés.
Les systèmes de régulation et de GTB sont des outils indispensables aux opérateurs, ils n’apportent un bénéfice que par les usages qu’ils en font.
La conception et la réalisation ne peuvent pas - ne doivent pas - être menées sans intégrer les dispositifs de sécurité et de régulation posés, même non reliés par un réseau numérique. Ils font partie des moyens pour la régulation et la gestion technique.
Qu’il s’agisse de réguler, surveiller, superviser, suivre, il serait régressif et coûteux de placer des capteurs et des compteurs spécifiques pour les différents usages des informations. Les points de mesure doivent aussi être utilisables pour mesurer et vérifier l’efficacité énergétique dans des opérations de suivi ponctuelles.
Le guide recommande de mutualiser la ressource des points de mesure grâce à un tableau qui regroupe les différents usages des détecteurs, capteurs et compteurs. Le guide propose des exemples de tableaux des points utiles à la régulation et la gestion technique pour plusieurs systèmes du génie climatique.
Le suivi énergétique est continu afin de mesurer la performance énergétique pour l’améliorer, anticiper des dérives, déceler les améliorations à apporter. Il peut aussi s’agir de mener des opérations ponctuelles pour mesurer l’efficacité d’une amélioration, faire des évaluations comparatives, justifier de résultats après une campagne d’amélioration énergétique, justifier de résultats dans le cadre d’un contrat de « Garantie de Performance Energétique » (GPE) …
Les points de mesure en place la régulation et la GTB doivent naturellement être utilisés dans une telle opération, dite de Mesure et Vérification (M&V).
Elle consiste à appliquer une méthodologie reconnue, comme celle décrite par le Protocole International de Mesure et de Vérification de la Performance énergétique (PIMVP).
Le guide montre que la Gestion Technique du Bâtiment peut être comprise ou décrite par un nombre limité de concepts simples. Comme le font les informaticiens, l’organisation des systèmes et des services se décrivent par le principe des couches ou des niveaux hiérarchisés (figures 1 et 2).
Figure 1 - Les systèmes de GTB se décrivent en trois niveaux.
Les moyens pour la gestion technique sont indissociables des points de mesure et des dispositifs de régulation
Figure 2 - Les services qui font la gestion technique se décrivent en 3 niveaux hiérarchisés
Les services se décrivent comme les systèmes techniques sur la base de trois niveaux (figure 2) eux aussi hiérarchisés en couches empilées.
- La surveillance doit être complète, il en va de la sécurité des équipements et de leur disponibilité par la détection des alarmes et les appels des interventions pour la maintenance.
- La supervision complète la surveillance pour piloter les équipements, connaître les fonctionnements en détail, enregistrer les données. Elle ne peut pas être mise en place sans une surveillance efficace.
- Le suivi pour améliorer l’efficacité exploite les données enregistrées par les services de la supervision.
Ces trois services utilisent le flux des données qui viennent des points en place sur les installations. Ils doivent être coordonnés, les opérateurs de ces trois services peuvent être menés par des opérateurs internes ou externes aux termes de contrats. Ils peuvent aussi être séparés (menés par des opérateurs distincts) si les données circulent sans problème de transport.
Le guide RAGE sur la Gestion Technique du Bâtiment indique que l’intégration des fonctionnements des différents systèmes techniques est maintenant un réel chalenge pour les entreprises de génie climatique, d’électricité et des autres équipements du bâtiment.
Des réseaux numériques ouverts, tels que KNX, sont appelés à répondre aux complexités des systèmes énergétiques qui se multiplient dans les bâtiments. Cependant, même si des interfaces par les smartphones simplifient les usages de certains équipements pour l’habitat individuel, il faut attendre des accords et des normes reconnues par des différents fournisseurs pour permettre des réelles facilités de pilotage de l’ensemble des équipements énergétiques.
Comme l’illustre la figure 3, les modes de fonctionnement des différents équipements pourraient être plus aisément pilotés par un programmateur partagé plutôt que par des moyens spécifiques. Plus facilement encore si les modes sont pilotés par un dispositif « intelligent » qui identifie les usages réels par des capteurs disséminés et pilote les modes en adaptant les programmations en continu.
Figure 3 - Des progrès restent attendus pour faciliter le pilotage des modes de fonctionnement des différents équipements énergétiques par un seul moyen de contrôle, un programmateur partagé, intelligent ?
Ceci est particulièrement important pour les systèmes qui équipent les bâtiments du secteur tertiaire, de plus en plus complexes. Ils sont parfois mis en œuvre par des spécialistes, intégrateurs de solutions, ils doivent maîtriser les technologies de l’information, les applications énergétiques et les facilités d’usage pour faciliter les comportements vertueux.
Le guide indique que la fonction de programmation des intermittences des modes de fonctionnement est la fonction de première importance pour maîtriser les consommations.
La programmation par horloge est une fonction simpliste, mais c’est aussi la plus efficace.
C’est très souvent par un défaut d’attention aux programmes des intermittences que les consommations sont inutilement élevées. Des économies importantes peuvent être obtenues en portant une attention particulière aux programmations horaires. C’est ainsi qu’un système de GTB, en facilitant grandement le paramétrage des horloges, permet d’apporter des économies souvent substantielles.
La réception s’applique à tous les marchés du bâtiment mais il est impossible que toutes les fonctionnalités du système de GTB puissent être en service le jour de la réception.
Il est donc nécessaire de prévoir des dispositions particulières dans les marchés de régulation-GTB pour mettre en service le système pendant une période de post-réception, avant d’engager l’exploitation courante. Il s’agit d’une prestation qui consiste à mettre en service, documenter, informer. Ces mises en service sont alors menées en connaissance de causes : pour les usages réels du bâtiment et avec ceux qui assureront la gestion technique courante.
Dans ses chroniques récentes sur Xpair.com, (Les freins au travail collaboratif vont sauter) Alain Maugard avance que le BIM (Building Information Modeling) sera à l’origine de changements profonds pour concevoir les constructions.
Il observe : « La maquette numérique est un outil, le vrai changement culturel, c’est le travail collaboratif. C’est un changement de culture important et brutal qu’il faut engager rapidement.»
C’est une utopie réaliste car elle répond à une nécessité et elle devient maintenant accessible.
Les technologies de l’information par le BIM sont susceptibles de bouleverser profondément les métiers des professionnels de l’équipement technique, en particulier ceux de la régulation et de la gestion technique, pour plusieurs raisons :
- Parce que la mutualisation des données partagées par les concepteurs, réalisateurs, fabricants des équipements du bâtiment est nécessaire pour concevoir puis mettre en place le système de GTB.
- Puisqu’il s’agit de mettre en place un système qui exploite des données qui émanent des fonctionnements de plusieurs systèmes techniques du bâtiment.
- Car le commissionnement qui vise l’adaptation des systèmes techniques au plus près des besoins et des usages, porte en priorité sur la conception et la mise au point de la régulation et de la GTB.
Enfin, ce guide porte sur interventions successives, du montage du programme jusqu’au début de l’exploitation. Il sépare naturellement les indications destinées au maître d’ouvrage, au BET, à l’entreprise, dans la démarche traditionnelle en séquence. Les rédacteurs ont fait des choix discutables pour diviser formellement les parties des études à traiter par le BET (les études de conception) et par l’entreprise (les études de réalisation). Un travail collaboratif conviendrait beaucoup mieux à la mise en place d‘un système de GTB.
De fait, ce guide est fort utile dans la perspective d’un travail collaboratif, il liste les postes qui doivent être renseignés, les opérations à mener, les points auxquels il faut rester vigilant.
C’est un recueil exhaustif d’indications concrètes pour les intervenants qui doivent collaborer dans la chaine conception-réalisation pour la GTB.
Il insiste opportunément sur l’importance de la post-réception pour mettre en service les systèmes pour et avec ceux qui les exploiteront.
Guide RAGE
« Gestion technique du bâtiment - Bonnes pratiques pour concevoir et réaliser les systèmes de GTB
- Neuf et Rénovation » (juin 2014 – 107 pages)
Par René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC, ex rédacteur en chef de la revue PROMOCLIM,
René CYSSAU est l'auteur de plusieurs ouvrages techniques
SOURCES ET LIENS
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