Par Victoire Sessego et Pascale Hébel du CREDOC
Si la prise de conscience écologique est en très forte progression, la consommation durable incluant l’usage énergétique des bâtiments, la mobilité globale des transports y compris l’avion, les modes d’alimentation, … , est bien différente selon que l’on soit de classe supérieure, plus diplômé, ou de faible capital économique, c'est-à-dire moins aisé pour ne pas dire plus pauvre !
L'étude du CREDOC de mars 2019 menée par Victoire Sessego et Pascale Hébel est édifiante et les résultats sont sans appel :
- Ce sont les plus riches parmi les plus diplômés qui polluent plus que les autres
- La richesse conduit les plus sensibles à l’écologie à des pratiques de mobilité qui ne peuvent pas être compensées, en termes d’empreinte écologique, par de «petits gestes» comme la consommation de produits bio, la réduction ou la suppression de la viande et l’achat de produits d’occasion.
Commentaire de la rédaction : Dans ce contexte des Gilets Jaunes où les ruraux et péri-ruraux ont été les premiers à subir la hausse des carburants en fin d'année 2018, il apparaît au travers de cette étude du CREDOC que cette population a eu raison de s’insurger au-delà même de la perte du pouvoir d’achat. Car sur le plan de l’écologie, leur contribution est bien meilleure que celle des classes supérieures vivant en ville. Leurs modes de vie est plus simple, sans doute avec moins de consommation à tout niveau. Si ce n’est le transport, là où ils ont été injustement impactés pour une contribution globale à l’effort écologique.
Pourtant, être diplômé va de pair avec une conscience écologique plus développée.
A l'opposé, les individus peu diplômés ont une sensibilité environnementale nettement inférieure.
Les catégories les plus riches parmi les plus diplômés polluent plus
En 2018, en France, l’impact d’un consommateur sur l’environnement (empreinte écologique), particulièrement à travers ses émissions de gaz à effet de serre, dépend largement du revenu (capital économique) : plus il est élevé et plus le consommateur utilise des ressources et pollue.
Le niveau de diplôme (capital culturel) a également un impact, mais il est moins important.
Ainsi, l’indice d’empreinte écologique (voir ci-dessous) des individus à fort capital économique mais aussi culturel est de 46,4. Quand le capital économique est associé à un faible capital culturel, l’empreinte est également élevée (43,4). À l’opposé, l’empreinte écologique des individus disposant d’un faible capital économique et culturel n’est que de 40,2.
Au-delà de l’empreinte écologique, l’enquête du CRÉDOC révèle les écarts de sensibilité à l’environnement. Dans ce domaine, c’est le capital culturel qui fait la différence : être diplômé va de pair avec une conscience écologique plus développée : l’indice de sensibilité est de 41,3 pour les individus associant fort capital culturel et fort capital économique, et de 41,5 pour ceux associant fort capital culturel et faible capital économique.
À l’opposé, les individus peu diplômés ont une sensibilité environnementale nettement inférieure, que leur capital économique soit fort ou faible.
L’utilisation accrue d’équipements numériques et le tourisme plus développé, notamment en avion et en voiture, des catégories à fort capital culturel et fort capital économique, expliquent l’écart entre la pratique et les intentions.
Les classes supérieures se préoccupent de l'environnement mais polluent plus que les autres
Score moyen estimant l’empreinte écologique et la sensibilité environnementale selon le capital économique et culturel* (en %)
Source : enquêtes Tendances de consommation, 2018, CRÉDOC.
* Fort capital économique : appartenir aux 40% les plus riches, c’est-à-dire aux classes moyennes supérieures et aux catégories aisées. Par opposition, avoir un faible capital économique, c’est appartenir au reste de la population, c’est-à-dire aux 60% les plus « pauvres ».
* Fort capital culturel : être diplômé du supérieur (avoir un diplôme supérieur au baccalauréat), ce qui est le cas de 43% de la population française. Un faible capital culturel signifie donc avoir un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, soit 57% de la population.
Indicateurs de l’empreinte écologique et de la sensibilité environnementale
→ Empreinte écologique : score entre 0 et 100, 0 étant l’impact minimum possible compte tenu des questions posées par l’enquête « Tendance de consommation ». L’impact sur l’environnement de la mobilité (particulièrement la voiture et l’avion), de l’alimentation (à travers la consommation de protéines animales) et du logement (consommation d’énergie et appareils numériques) est pris en compte, au prorata de leur importance dans les émissions de gaz à effet de serre. Seules les pratiques réelles (et non les intentions) ont été prises en compte.
→ Sensibilité environnementale : score entre 0 et 100, sur le même principe que l’indicateur précédent, mais pour la sensibilité aux problématiques environnementales. Outre la préoccupation déclarée pour l’environnement, l’indicateur prend également en compte l’incitation à acheter des garanties écologiques et l’engagement pour la cause écologique.
Les contradictions du « consommer durable »
Pourtant, il n’est pas seulement question de la préférence du consommateur pour les «petits gestes», plus faciles. Il s’agit également d’une concentration des efforts dans certains domaines, particulièrement l’alimentation et les objets matériels.
Ainsi, la consommation de produits carnés a baissé de 12 % en dix ans, 43 % de la population déclarant avoir limité sa consommation de viande en 2018 (pour des raisons variées, mais avec un impact indéniable).
Le cas du recours à l’avion est parlant. Si environ un tiers des Français a pris l’avion en 2018, ce sont ceux qui ont fait au moins un trajet en avion qui ont le plus déclaré limiter leur consommation de viande (48 % contre 41 %) et qui ont le plus acheté de produits issus de l’agriculture biologique (78 % contre 67 %).
Même une action demandant plus d’investissement, comme la production d’électricité verte ou la souscription à un contrat d’électricité garantissant une part d’électricité verte, ne va pas de pair avec une réduction de l’impact de la mobilité.
Ces contradictions peuvent en partie s’expliquer par un plus grand recours des plus diplômés à la voiture et à l’avion pour les loisirs, ce qui montre les limites de la conscience et de l’action individuelles.
Les voyageurs aériens essaient de compenser leur impact environnemental en achetant des produits bio et en consommant moins de viande.
La compensation carbone, pensons-y plus fort ! Commentaire de la rédaction
C’est assez caricatural, cependant, ceux qui « pensent » le plus, consomment le plus et ont donc un poids carbone important dans la société. Pourtant, ils devraient avoir encore plus conscience de leur poids carbone. Comment peuvent-ils réduire leur impact carbone lié inévitablement à leur mode de vie de « grands consommateurs d’énergie ». Les petits-gestes écologiques semblent insuffisants pour contrebalancer leur poids carbone. Alors quelles solutions s’offrent à eux pour que leurs modes de vie soient « compatibles 2050 », objectif qui nous est donné pour atteindre la neutralité carbone.
Des axes sont proposés et à développer pour compenser leur poids carbone :
Réduire le poids carbone de leur déplacement avec plus de covoiturage sinon plus de télétravail. Plus d’usage de véhicule électrique (flotte d’entreprises) ou de déplacements doux. Réduire la distance plaisir et non le plaisir. Voyager en France ou en Italie pour avoir autant de plaisir que d’aller au Vietnam ou en Australie, etc, ….
Est-ce possible ? Sommes-nous « ready 2050 » ? Oui mais pensons-y encore plus fort !
- Lecture recommandée : l’étude CREDOC de mars 2019 : Consommation durable : l’engagement de façade des classes supérieures
- Infographie à partager
Par Philippe Nunes en référence à l’étude CREDOC de mars 2019 menée par Victoire Sessego et Pascale Hébel
Source et lien
142, rue du Chevaleret - 75013 Paris - 01 40 77 85 10 – contact presse : muller(at)credoc.fr
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Bonjour,
J'ai trouvé l'article très intéressant, pourtant il y a un chiffre que je trouve incohérent : comment explique-t-on qu'à moyens égaux, une personne non sensibilisée pollue moins que quelqu'un de plus écologiste ?
Avez-vous plus d'éléments sur cet aspect ?